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Les ACEC de Charleroi, un exemple de la lutte ouvrière

Les ACEC de Charleroi, un exemple de la lutte ouvrière

l'étincelle dampremy,acec,robert dussart,sénateur communiste,fgtbLe conflit des ACEC marqua de son empreinte l’année 1979. Le contexte socio-économique de l’époque n’était pas rose. Au cours de la première moitié de l’année, les travailleurs des Fabrications métalliques carolorégiennes se lancèrent dans une lutte sociale historique. Telles des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres, le conflit va prendre une proportion conséquente.


Tout est parti de l’expiration de la convention collective des ACEC en janvier 79. La délégation syndicale dépose alors son traditionnel cahier de revendications sur le bureau de la direction. Avec pour président Robert Dussart, sénateur communiste et orateur exceptionnel qui plus est, la délégation émet comme revendication : les 36 heures par semaine et une augmentation générale des salaires de 10 francs de l’heure. Ceux-ci furent fustigés par la direction. Le patronat des ACEC répond par une annonce d’un nouveau chômage partiel pour 250 travailleurs par roulement à partir du 5 février. Alors que cela faisait deux ans qu’on ne parlait plus de chômage partiel à Charleroi. Une grève de 24 heures fut la seule réponse plausible de la part de la délégation. C’est le début d’un long combat. Le conflit des ACEC fait couler beaucoup d’encre. À un tel point que la direction accuse Robert Dussart de « faire passer son mandat politique avant son mandat de leader syndical, pour financer son action contre les socialistes avec l’argent de la FGTB ». Erreur stratégique du patronat, cela fait l’effet d’une bombe chez les ouvriers. De son unique corde vocale, Dussart répondra : « De nombreux délégués syndicaux socialistes, démocrates-chrétiens ou sans parti, militants actifs, forment avec moi le moteur de notre action. C’est pourquoi, je n’accepterai jamais de tomber dans le piège patronal en répondant aux calomnies et aux provocations. Si nous faisons grève aujourd’hui, c’est parce que les travailleurs l’ont voulu et ces travailleurs sont de toutes opinions ».

 

Préaccord au sommet, refus à la base.

 

Coup de théâtre au cours de la nuit du 14 au 15 février, alors que les négociations régionales et sectorielles traînent toujours. Fabrimétal (actuellement Agoria) et la bureaucratie syndicale annoncent un préaccord pour les 101 entreprises carolorégiennes et namuroises des fabrications métalliques. Ce préaccord comprend les 38 heures en deux étapes (39 heures au 1er avril 1979, 38 heures au 31 décembre 1979, une prime de 3 000 francs le 1er juillet 1979 et une autre de 5 000 francs le 1er août 1980). Le vendredi 16 février, les secrétaires syndicaux régionaux métallos, Francois Camarata (CSC) et Georges Staquet (FGTB) établissent chacun de leur côté une assemblée de délégués. Un référendum s’en suit sur la question aux ACEC. 88% des travailleurs répondent par la négative. Fabrimétal conteste le mode de scrutin. La presse s’enflamme et crie à « l’aventurisme » des prolétaires. Robert Dussart est critiqué de prendre « le risque de priver les autres entreprises du secteur des 38 heures et des primes ». Les travailleurs entameront une nouvelle grève le 19 février dans le but d’acquérir coûte que coûte la semaine des 36 heures et 10 francs d’augmentation. La semaine suivante, de nouveaux referendums sont organisés dans toutes les entreprises du secteur des fabrications métalliques. Les résultats sont sans équivoque, la majorité est contre le préaccord. Toutefois, les bureaucrates syndicalistes refusent la grève sectorielle régionale du fait que cette majorité est acquise par une minorité de grandes entreprises du secteur. La CSC regrettera, à juste titre, que les travailleurs des grandes usines n’aient pas manifesté une plus grande solidarité envers ceux des entreprises où le pouvoir syndicale est moindre. À Liège, les organisations syndicales acceptent un préaccord régional. C’est un coup au moral pour la solidarité syndicale carolo-liégeoise.

 

La grève au finish est lancée.

 

Le 19 mars rime avec le début de la grève au finish, sans préavis. La délégation syndicale estime que la direction traîne volontairement. Elle considère qu’elle n’est plus liée par la clause de paix sociale contenue dans l’ancienne convention. Par la suite, les autres sièges ACEC du pays (Herstal, Gand et Ruisbroek) désireront participer à la lutte également, en adoptant cependant une tactique propre à leur situation. Les travailleurs du verre de Charleroi luttent également pour les 36 heures aux côtés de la Câblerie de Charleroi. Cela devient une véritable révolte sociale. Le 9 avril, c’est un coup de tonnerre qui s’abat sur les ACEC. Une centaine d’employés des sièges de Charleroi et d’Herstal sont mis en chômage « pour raison de force majeure ». Les employés mènent alors des actions de protestations remarquables (occupation de bureaux, des cadres, blocage des portes du bâtiment de la direction, etc…). Le Setca et la CNE considèrent cette mesure comme illégale. Un préaccord sera trouvé rapidement pour les employés, heureusement.

 

10 jours plus tard, c’est la cerise sur le gâteau. La direction des ACEC assigne les syndicats des ouvriers et leurs principaux dirigeants devant le tribunal du travail, en demandant qu’on leur ordonne « de respecter leurs engagements » et de cesser le paiement des indemnités de grève. C’est le 8 mai que le tribunal du travail de Charleroi rend son ordonnance en annonçant qu’il est incompétent en la matière, estimant qu’on lui demande « une injonction provisoire d’arrêter la grève ». Défaite cinglante pour le patronat, mais ce n’est qu’une bataille. Le chemin est encore long.

 

Au ministère, les négociations continuent en vain.

 

À côté de cela, au ministère de l’Emploi et du Travail, on multiplie les négociations entre patronat et partenaires sociaux sans résultats probants. Les pourparlers butent à chaque fois sur la durée de convention, 12 mois pour les uns, 24 pour les autres, au grand dam du Ministre de tutelle de l’époque, De Wulf. À Charleroi, les rumeurs de licenciement circulent de plus en plus. La tension est palpable. Pour couronner le tout, les sièges flamands de Gand et de Ruisbroek acceptent une proposition faite à l’échelle de l’entreprise les 30 et 31 mai. Le moral des troupes wallonnes est alors au plus bas.

 

La fin est proche.

 

Il faudra attendre le 13 juin 1979 pour voir apparaître un rayon de soleil dans le pays noir. À l’issue d’une nouvelle réunion de conciliation tenue à Bruxelles à l’initiative du ministre De Wulf. Une nouvelle formule plus adéquate aux désidératas de la délégation syndicale des ACEC est trouvée. La durée du travail est réduite à 37 heures et demie, une augmentation salariale de 3 francs l’heure et une prime de 9000 francs sont octroyées à la reprise du travail, tout cela dans le cadre d’une convention collective de douze mois. Le lendemain matin, les travailleurs se prononcent sur le préaccord de Bruxelles. La majorité soutient le préaccord. C’est le bout du tunnel, après 13 semaines de grève, le travail reprendra le vendredi 15 juin aux ACEC de Charleroi. La solidarité ouvrière aura triomphé de cette lutte acharnée.         

 

  

Livio MIGALI

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