Journalistes embarqués, caméras embarquées

Depuis un certain nombre d'années, sur le terrain des conflits, des guerres, les armées, notamment celle des Etats-Unis, ont pris l'habitude de proposer des « visites guidées » aux journalistes. Ceux-ci peuvent aller sur le terrain, le survoler à bord d'hélicoptères encadrés par des militaires.

Ainsi les journalistes sont-ils bien mis au courant de ce que veulent bien leur montrer les militaires et les politiques au pouvoir. Les journalistes sont mis au courant de ce qui doit leur être montré et donc de ce qui doit nous être dit.

En 2010, lorsque WikiLeaks publie la vidéo « Collateral Murder », il s'agit là d'images prises par une caméra embarquée qui filme les soldats tirant sur des civils après avoir demandé l'autorisation à leur hiérarchie, qui les filme et les enregistre demandant autorisation (et l'obtenant) de continuer le tir sur des blessés, adressant des commentaires injurieux à leur propos.

Ces images n'étaient pas destinées au public, mais uniquement à l'armée.

Le courage et la conscience de Chelsea Manning (alors analyste de l'armée US) ont permis que nous soyons au courant. Elle a déposé cette vidéo, et bien d'autres rapports par la suite, sur la plateforme WikiLeaks.
Julian Assange avait déclaré que cette vidéo semblait bien montrer des crimes de guerre et que s'il appartenait à la justice de le certifier, WikiLeaks espèrait qu'elle pourrait permettre de mettre fin à la guerre. Faire connaître de tels documents aux citoyens est un devoir pour les journalistes.

Mais voilà, les criminels ne sont toujours pas poursuivis et Julian Assange est privé de liberté depuis ces publications. Actuellement, il est en prison au Royaume-Uni depuis 4 ans et demi dans l'attente d'une décision sur son extradition demandée par les Etats-Unis qui veulent le condamner à 175 années de prison.

L'armée israélienne a hier (8 novembre 2023) invité des journalistes à entrer à Gaza.

Visite guidée à Gaza. En un lieu précis de Gaza, visite commentée par des militaires certifiant qu'ils n'ont vu aucun civil, seulement « des Hamas ».

Tant que le journalisme se laissera embarquer et que les journalistes qui publient des images authentiques, montrant des crimes avérés seront emprisonnés et leur réputation détruite, nous n'auront pas de réelle information et sans information, la manipulation peut s'installer.

Marie France Deprez, 09/11/2023

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