Petite histoire du titre-service

AU DÉPART

Le secteur des titres-services est le fruit d’une initiative prise en 2001 par Laurette Onkelinx, alors ministre de l’Emploi. Son principe fondateur est de permettre un travail décent à des personnes peu qualifiées et sans emploi, avec engagement à la clé. Ceci vise à mettre un terme à leur exploitation par le travail en noir, à offrir des services à prix modérés aux personnes qui en avaient besoin, tout en favorisant le développement des travaux de proximité.

En 2003, le système est opérationnel en Wallonie, et permet à tout particulier de faire appel à une aide-ménagère à un tarif fort avantageux.

Le titre-service est alors un chèque de paiement émis par la société Accord, vendu à l’acquéreur au prix de 6,2 €. Ce chèque sera remis par celui-ci au travailleur pour chaque heure de travail prestée.

Il sera ensuite déposé au CPAS, à une ALE – agence locale pour l’emploi –, ou autre société d’insertion sociale pour y être transmis aux autorités publiques, par l’intermédiaire de l’ONEM. Ce dernier subsidiant ce travail à concurrence de 19,47 €/h, et ajoutant  ce montant  aux 6,2 € payés par le particulier, cela  permettra à l’entreprise de payer décemment les travailleurs.

Initié par les régions, le système conduit à la création d’emplois pour 256 personnes sous contrat écrit dans une entreprise agréée.

Pour augmenter le nombre d’emplois dans ce secteur, il est décidé par la suite (en 2007-2008) de permettre à des sociétés commerciales de s’inscrire dans le projet. Elles  reçoivent des subsides de 25000 €, et ils doivent offrir aux travailleurs dès le départ 3 mois de formation.

On permet ainsi aux agences d’intérim d’être de la partie, à condition de créer une société distincte délivrant des contrats de travail classiques. Ceux-ci commencent par des contrats à mi-temps minimum,comportant pour les 3 premiers mois 15h/semaine.

Il est aussi possible pour les indépendants de créer leur agence habilitée en titres services. Ceci conduit à l’augmentation rapide du nombre de personnes employées.

ACTUELLEMENT

Le titre service est actuellement émis par la société Sodexo.(multinationale spécialisée en sous-traitement de services...). Chaque particulier peut se procurer 500 titres services par an. Il paie 9 € pièce pour les 400 premiers et 10 € pour les 100 suivants. Chaque année, Sodexo fournit une attestation donnant lieu à une réduction d’impôts.

Le travailleur sous contrat de travail avec une entreprise agréée en paiement des services reçoit un titre de l’utilisateur par heure prestée. L’entreprise remet les chèques à Sodexo et reçoit en contrepartie le montant additionné d’une contribution de l’Etat sous la tutelle de l’Onem, soit  un total de 22,04 € par titre.

Parmi les travaux effectués, on compte l’aide au ménage, le repassage en atelier spécialisé, le transport des personnes à mobilité réduite...

Les entreprises autorisées à dispenser des titres services sont des entreprises à finalité sociale, ou des sociétés commerciales, des sociétés d’intérim, des sociétés d’insertion sociale, le CPAS et l’Agence locale pour l’emploi.

PROBLÈMES DES TRAVAILLEUSES TITRES SERVICES PAR TOUT TEMPS

Les problèmes liés au travail par titres-services ont été évoqués dans un précieux documentaire intitulé « Au bonheur ds dames » réalisé en 2018 par Gaëlle Hardy et Agnès Lejeune. Le sous-titre, « La vie à bras le corps », résume bien la manière dont doivent l’appréhender nombre de travailleuses confrontées à un travail manuel éreintant. Irène Kaufer leur consacre un article dans la revue Axelle d’octobre 2018. Y sont évoqués, outre les problèmes physiques liés à ce travail, le salaire trop bas – moins de 12 €/heure avec 10 ans d’ancienneté –, le peu de considération qui leur est attribuée, le sentiment d’inégalité vis-à-vis d’autres femmes faisant appel à leurs services... Vie féminine s’interroge à ce propos sur la répartition inégalitaire des tâches ménagères dans la société.

D’après IDEA consult :

·         97% des personnes employées par les titres services sont des femmes.

·         ¼ d’entre elles sont nées à l’étranger.

·         30% ont 50 ans et plus.

·         46% sont peu qualifiées.

·         Beaucoup sont célibataires ou mariées avec des enfants.

Une étude menée par Elisabeth Leduc et Ila Togerov de l’ULB dévoile un nombre élevé d’incapacités de travail à long terme après 5 années en fonction (problèmes de dos, arthrose, troubles des systèmes locomoteur, respiratoire ou dermatologique, dûs aux produits chimiques utilisés quotidiennement).

Le stress est également présent, dû à la rapidité exigée par certains usagers. Les travailleuses ressentent souvent le manque de considération que leur accorde leur employeur.

Les formations adéquates sont inexistantes dans plusieurs sociétés privées. Le gouvernement a de plus diminué les subsides attribués aux formations. Celles-ci ont pourtant toute leur importance dans ce genre de travail physiquement éprouvant.

Certaines sociétés s’inventent par ailleurs de faux clients afin d’obtenir plus de subsides. Elles tentent d’échapper aux sanctions possibles par la création de nouvelles sociétés. Ceci rend les contrôles difficiles.

Pour les formations, une seule accompagnatrice est désignée pour 90 aides-ménagères. C’est peu !

Les déplacements parfois longs, bien souvent effectués avec les transports en commun constituent une cause supplémentaire de fatigue .

Un salaire plus élevé, un nombre moins important d’heures et la reconnaissance de la pénibilité du travail seraient souhaitables.

Le ministre Bernard Clerfayt (Défi) prévoit d’agir dans le bon sens pour la région bruxelloise avec augmentation du salaire et diminution du nombre d’heures de travail et en centrant ses efforts sur la formation en réinsertion professionnelle. L’espoir se dessine.

La FGTB craint cependant que l’augmentation du prix du titre-service n’entraîne une augmentation de la pression exercée par l’utilisateur sur les travailleuses.

Le coordinateur commercial Arnaud Deguelle en déplore le manque de rentabilité croissant conduisant de nombreuses entreprises à disparaître.

PROBLÈMES PARTICULIERS EN CRISE COVIT

L’étude effectuée par Elisabeth Leduc et Ila Togerov de l’ULB révèle l’exacerbation des problèmes existants.

·         Elle rappelle que 150000 travailleuses sont au service de 2 millions d’utilisateurs.

·         Qu’un ménage sur cinq a déjà fait appel à leur travail

·         Que 70% de leur rémunération est payée par le gouvernement

·         Elles comptent de nombreuses personnes d’Europe de l’Est, Afrique, ... de Belgique

·         Des problèmes de santé sérieux sont souvent déjà enregistrés après 5 ans d’activité.

Dans ces conditions, on ne peut donc actuellement considérer le système titre-services comme un « tremplin » permettant l’accès à des jours meilleurs.

Pendant la période de confinement de mars-avril 2020 certaines entreprises ont continué le travail. Les travailleuses sont dans une situation complexe de « pouvoir triangulaire ».

Les clients bénéficient de subsides de l’Etat. La société qui les emploie est soit essentiellement commerciale, soit sans but lucratif.

Les militantes FGTB ont décidé de mettre en lumière les innombrables histoires poignantes qui leur sont apportées. Elles ont décidé de les recueillir via une plateforme en ligne pour pouvoir les communiquer au plus grand nombre, sous l’appellation : « Paroles d’aides ménagères ». À consulter absolument, pour mieux saisir l’étendue et l’importance des problèmes qu’elles rencontrent (manque de matériel adéquat ou de l’utilisation correcte de celui-ci : gants, masques, désinfectant pour les mains, aucune précaution prise quant au nombre de personnes présentes sur les lieux de travail…, pas d’aération, sans respect vis à vis de la travailleuse. Parfois même présence de personnes infectées à proximité…

BONNE NOUVELLE

Pierre- Yves Dermagne (PS) , ministre du Travail, a pris, le 3 avril, une sage décision.

Les travailleuses des titres-services pourront dorénavant suspendre leurs prestations, tout en conservant leur salaire, si les règles de sécurité sanitaire ne sont pas respectées. Il leur suffira d’en informer préalablement l’agence. Les employeurs seront tenus de leur fournir un masque chirurgical jetable par prestation.

Un comité de concertation déterminera les différentes mesures nécessaires (nombre de personnes présentes, travail à la maison, présence d’enfants).

CONCLUSION – MARCHE À SUIVRE

Dans un premier temps, il faut  exiger le respect des travailleuses des titres-service, ce qui entraîne l’observation de toutes les règles de sécurité sanitaire en vigueur.

Ensuite se pose la question sur ce qui conditionne le calcul du salaire.

La rareté est un bien en soi dans le système capitaliste, il en va de même de la formation. Plus elle est impressionnante, plus les rémunérations s’envolent ….Et si à sa place, on mettait le nécessaire au bien vivre ? Et qu’on rétribuait équitablement les travailleurs qui y contribuent?

Dans un premier temps, la première revendication concernant les travailleuses des titres services pourrait être une augmentation de salaire,14 à 15 €/h étant un minimum.

La possibilité de suivre des formations, de changer d’orientation quand les problèmes de santé l’exigent, de prendre sa pension plus tôt.

Il serait par ailleurs envisageable d’adapter le prix des titres-service à la situation financière de l’utilisateur.

En ce qui concerne le sentiment d’exploitation ressenti par des femmes vis-à-vis d’autres qui ont recours à leurs services, il n’aurait sans doute pas lieu d’être si les rémunérations et les conditions de travail  étaient correctes.

Marlène Wydouw, le 7 juin 2021

Pour toute information sur les contrats, et les écrits de travailleuses, actions menées, études travail et santé:

https://emploi.belgique.be/fr/themes/contrats-de-travail/contrats-de-travail-particuliers/contrat-de-travail-titres-services-3?TSPD_101_R0=084c9d00c5ab200048f23b9a6cb90fa11c7a877307e6c3942a023ade69ce690343e75d128d86e62408a98f3408143000cee2714605dda28443339ae35280820bdaea735be416b2fea623bed94d5db246e5dce340517a3f0d42406c02c5241afc

https://parolesdaidesmenageres.be

https://www.accg.be/fr/actualite/20210312-les-aide-menageres-ont-remis-leur-livre-noir-au-ministre-bruxellois-bernard-clerfayt

https://www.accg.be/fr/actualite/20210325-un-nouveau-confinement-qui-plonge-les-aide-menageres-dans-une-tres-grande-detresse-financiere-et-sanitaire

https://accg.be/sites/default/files/sectors/scp-32201/accg-scp-32201-tool-minibrochure-titres-services-2017-2018.pdf

https://www.axellemag.be/titres-services-parole-invisibles/

Elisabeth Leduc et Ilan Tojerow : Travail et santé dans les titres-services. LibreECO. En ligne : https://www.lalibre.be/economie/decideurs-chroniqueurs/travail-et-sante-dans-les-titres-services-5f7ee161d8ad587d978a027d

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