Roux 1886 : une lutte tragique. La mémoire ouvrière pour les luttes actuelles

 

En mars 1886, la Wallonie a été le terrain de nombreuses luttes sociales avec une crise de surproduction : le capital mit de nombreux travailleurs de la verrerie, de la sidérurgie et des charbonnages au chômage, ce qui entraîna une misère accrue par de mauvaises récoltes. Après de nombreuses grèves isolées, les travailleurs avaient compris qu’unis, ils pouvaient vaincre. Roux a vu la répression sanglante de ces luttes. Plus de 130 ans après, il est important de se souvenir de cette histoire, mais également de se poser des questions sur nos droits démocratiques et sociaux, conquis au cours d’un siècle de luttes sociales intenses, mais menacés aujourd’hui parmi lesquels le droit de grève. Après un hommage au cimetière, nous avons débattu donc avec Paul Lootens, ancien président de la Centrale générale et grand connaisseur de l’histoire ouvrière, qui a fait le lien avec les luttes actuelles et la nécessité de défendre ses conquêtes démocratiques en rappelant les faits de cette partie de l’histoire ouvrière. Ce mardi 27, c'est de manière unitaire que les syndicats iront rendre hommage aux camarades de Roux pour continuer à défendre les libertés syndicales

 

 

 

 

D

 

Discours prononcé par Julien Hannotte

 

Chers camarades, chères amies, chers amis,

 

Nous sommes réunis ce jour à Roux pour commémorer le massacre d’ouvriers de mars 1886. Nous voulons leur rendre hommage et continuer leur lutte pour l’émancipation des travailleurs.

 

Ils furent les victimes de la violence et de la répression bourgeoise !

 

 

La révolte de nos camarades avait commencé à Liège le 18 mars pour commémorer la Commune et réclamer les droits conquis à Paris et des augmentations de salaire !

 

Nous ne sommes pas loin d’y revenir à cette époque de répression, au 19e siècle.

 

En préparant ce discours, je me suis rappelé cette chanson écrite en mai 1886 à Paris aux survivants de la Semaine sanglante par Eugène Pottier, celui à qui l’ont doit aussi les paroles de l’Internationale à laquelle nous attachons tant d’importance. Cette chanson, les camarades assassinés à Roux l’auraient certainement entonné

 

« on l’a tuée à coups de chassepot,

 

À coups de mitrailleuse,

 

Et roulée avec son drapeau

 

Dans la terre argileuse.

 

Et la tourbe des bourreaux gras

 

Se croyait la plus forte.

 

Tout ça n’empêch’pas,

 

Nicolas,

 

Qu’la commune n’est pas morte !

 

 

 

Comme faucheurs rasant un pré,

 

Comme on abat des pommes,

 

Les Versaillais ont massacré

 

Pour le moins cent mille hommes.

 

Et ces cent mille assassinats

 

Voyez c’que ça rapporte.

 

Tout ça n’empêch’pas,

 

Nicolas,

 

Qu’la commune n’est pas morte !

 

 

 

On a bien fusillé Varlin,

 

Flourens, Duval, Millière,

 

Ferré, Rigault, Tony Moilin,

 

Gavé le cimetière.

 

On croyait lui couper les bras

 

Et lui vider l’aorte.

 

Tout ça n’empêch’pas,

 

Nicolas,

 

Qu’la commune n’est pas morte !

 

 

 

Ils ont fait acte de bandits,

 

Comptant sur le silence,

 

Ach’vé les blessés dans leurs lits,

 

Dans leurs lits d’ambulance.

 

Et le sang, inondant les draps,

 

Ruisselait sous la porte.

 

Tout ça n’empêch’pas,

 

Nicolas,

 

Qu’la commune n’est pas morte !

 

 

 

Les journalistes policiers,

 

Marchands de calomnies,

 

Ont répandu sur nos charniers

 

Leurs flots d’ignominies.

 

Les Maxim’Ducamp, les Dumas,

 

Ont vomi leur eau-forte.

 

Tout ça n’empêch’pas,

 

Nicolas,

 

Qu’la commune n’est pas morte !

 

 

 

C’est la hache de Damoclès,

 

Qui plane sur leurs têtes.

 

À l’enterr’ment de Vallès,

 

Ils en étaient tout bêtes.

 

Fait est qu’on était un fier tas

 

À lui servir d’escorte !

 

C’qui vous prouve en tout cas,

 

Nicolas,

 

Qu’la Commune n’est pas morte !

 

 

 

Bref tout ça prouve aux combattants

 

Qu’Marianne a la peau brune

 

Du chien dans l’ventre, et qu’il est temps

 

D’crier : vive la Commune !

 

Et ça prouve à tous les judas

 

Qu’si ça marche de la sorte

 

Ils sentiront dans peu,

 

Nom de dieu !

 

Qu’la Commune n’est pas morte !

 

 

 

Leur lutte n’a pas été vaine, leur sacrifice n’a pas été vain. L’organisation des masses a permis la conquête de nouveaux droits, l’organisation en syndicats qui nous défendent et que nous devons défendre.

 

Plus que jamais la grève est notre arme et ce droit doit être intouchable comme tous les autres droits aujourd’hui remis en cause ! Des camarades aujourd’hui sont licenciés, des délégués aussi comme chez Vandemoortele !

 

Nous devons faire preuve de solidarité prolétarienne et soutenir nos camarades français qui se lèvent pour défendre, non pas des privilèges mais des droits, pour défendre l’idée du service public !

 

Quant à la répression que nos camarades ont subie, d’autres aujourd’hui la subissent… directement comme nos frères du Donbass réprimés par les fascistes de Kiev avec la complicité de l’impérialisme étasunien et de l’Union européenne.

 

La répression des forces progressistes, c’est aussi ce qu’est occupé à faire l’état turc d’Erdogan.

 

Hier, en France ce sont des étudiants à Montpellier qui se sont faits agressés et tabassés par des fachos applaudis par le doyen de la faculté.

 

Voyez le capital n’a souvent plus besoin de ses milices : l’extrême-droite se charge de ces questions. Comme en Hongrie ou encore en Pologne…

 

En Belgique, l’extrême-droite moins pompeuse, sous des airs de respectabilité est au pouvoir avec la NV-a, aux postes régaliens confiés par les collabos libéraux. Cette situation est inacceptable. Il est urgent de faire tomber ce gouvernement.

 

Aujourd’hui même, se déroule une grande manifestation nationale contre le racisme et la politique d’immigration de Théo Francken qui détourne les travailleurs de leur véritable intérêt !

 

Nous ne pouvons rester dans une position attentiste face à ce gouvernement et attendre simplement les élections.

 

Mais nous devons faire nôtre ce droit conquis par ceux de roux, de Jumet et Liège : le droit de vote qu’ils ont arraché, d’abord plural, ensuite universel masculin et puis universel !

 

Face aux attaques libérales qui nous rendent précaires et davantage exploitables et plus encore exploités, face aux attaques libérales qui veulent nous faire travailler bénévolement comme avec le service communautaire, nous devons nous organiser pour résister.

 

Nous devons résister.

 

Plus que résister, nous devons partir à l’offensive, conquérir de nouveaux droits pour la classe ouvrière, nous battre contre le capital et ses sbires !

 

Nous devons crier : Non la commune n’est pas morte !

 

Oui, l’avenir appartient à la classe ouvrière ! Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! Levons fièrement et haut notre drapeau rouge !

 

 

 

 

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