Édito et sommaire du n°72 (janvier-février 2019) : La couleur des gilets

Le calendrier est parfois porteur de messages. Le 10 décembre au soir, Emmanuel Macron annonçait solennellement sa liste de mesures censées calmer la révolte des Gilets Jaunes. Le 11 au matin, il recevait à l'Elysée les patrons des banques françaises et l'après-midi du 12, les représentants du patronat. Visiblement il devait, sans tarder, rendre des comptes à ses mentors dans le but d'obtenir leur "imprimatur" à la reculade que, pris de panique, il était mettait en œuvre pour sauver leur programme. Pour que le tremblement de terre 'en marche' ne devienne pas tsunami.


Les réactions de ces visiteurs furent édifiantes. Une dépêche de l'AFP du 12 décembre les résumait bien : "Satisfait, le Medef (l'équivalent de la FEB chez nous-ndlr) a applaudi des mesures qui "répondent aux attentes sans pénaliser la compétitivité des entreprises". En effet, le capital ne sera en rien affecté. L'ISF, l'impôt sur les grandes fortunes ne sera pas, surtout pas, touché. Les patrons ne verseront pas un centime pour financer les concessions faites par le gouvernement; concessions qui constituent, sur certains points, une véritable reculade obtenue par un mouvement chargé de questions qui doivent nous interpeller. Le fait qu'il ait pris la forme d'un soulèvement violent a poussé le régime dans ses retranchements et l'a obligé à céder. Un million de manifestants, défilant sagement, n'auraient pas obtenu de si clairs et rapides résultats. Par ailleurs, ce mouvement interroge également une certaine gauche qui s’était retranchée dans les seules questions sociétales oubliant la vieille -mais si actuelle !- notion de la lutte des classes.

Car il ne s'agit pas, ou plus, seulement du carburant. Ce sont aussi les retraites, les salaires, le coût de la vie, les médias et la manipulation de l'information, les privilèges des classes possédantes, en gros un système économique qui crée de la richesse sans la distribuer et sans, surtout, construire du social. Avec en plus, un gros déficit démocratique où l'on décide au sommet sans consulter les gens. Pour l'élite, c'est un lourd réveil, un sombre cauchemar; elle était convaincue que le peuple était aboli. Pour la gauche aussi, la leçon est sévère. Elle avait perdu de vue que la notion de proximité avec les gens, d'être à leur écoute, est un impératif pour bâtir des programmes et de la confiance. Pire encore, elle a voulu croire que la mondialisation, ses vices et ses dérives, étaient réformables et doit récolter une contestation qui lui reproche ses distances, ses égarements, ses illusions. Elle ne dispose plus aujourd'hui de beaucoup de temps pour donner une tonalité rouge aux gilets de la lutte. 


Au sommaire du DR n°72:

L’INVITÉ DU DR
Raoul Hedebouw : Renforcer les luttes avec les Gilets Jaunes

Bloc-notes du DR
Vladimir Caller

Réapprende à gagner
Martin Willems

Gilets Jaunes : chronique d’une révolte
Marie-France Deprez

Le choix des F-35
Martin Willems

Chronique des luttes
Marie-France Deprez

L’écologie est-elle soluble dans le capitalisme ?
Roland Marounek

1918-1919 : Il y a cent ans, la Révolution allemande
Marc Denonville & Georges Berghezan

Vie du parti : Le PCB à la 20e Rencontre des Partis Communistes et Ouvriers

NOUVEL AN
Un poème de Juan Gonzalo

Les médecins cubains chassés du Brésil
Marc Tondeur

LECTURES

« Manuel stratégique de l’Afrique » de Saïd Bouamama
Georges Berghezan

« Pas pleurer » de Lydie Salvayre
Marc Pierret

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