Libye : Libération ou victoire de l'obscurantisme?

Les autorités libyennes installées par les forces de l’Otan viennent d’annoncer, ce dimanche, la « libération » du pays, ainsi que l’instauration de la Charia qui réglera désormais le fonctionnement de la vie de ses citoyens et, en particulier, de ses citoyennes. Le président du CNT, Mustafa Abdul Jalil, a d’ores et déjà « démocratiquement » décrété l’interdiction du divorce et la restauration de la polygamie, en rupture avec les pratiques laïques du régime précédent. La lapidation des femmes adultères et l’amputation des mains des voleurs ne sont pas encore annoncées, mais il est à redouter que la Libye plongera rapidement dans l’obscurantisme si le pouvoir du CNT – conglomérat de Frères musulmans, de salafistes, de royalistes et des éléments les plus répressifs du régime Kadhafi – venait à se consolider.

Un autre aspect du nouveau régime, qui devrait particulièrement interpeller les adeptes de l’ingérence « humanitaire », est son absence de respect pour les principes de base des droits de l’homme. Comme l’a déclaré Philippe Hensmans, directeur de la section francophone d'Amnesty international Belgique, l’exécution sommaire du colonel Kadhafi n’est que la « pointe de l’iceberg » des violations du droit humanitaire commises par les « shebabs » islamistes et autres membres du CNT. Les bombardements par l’Otan et la mise à sac par les vainqueurs ont transformé Syrte en une ville fantôme, où les soldats kadhafistes et tout individu à la peau noire sont systématiquement torturés, voire exterminés.

Ces atrocités ne sont pourtant pas une surprise si l’on consulte le « profil » des nouveaux dirigeants libyens. Ainsi, Abdul Jalil, ministre de la Justice de Kadhafi jusqu’il y a quelques mois, s’était distingué en faisant condamner à mort, à deux reprises, cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien, au motif qu’ils auraient inoculé le virus du SIDA à leurs patients. Un autre transfuge de poids fut Abdul Fatah Younis, ministre de l’Intérieur de l’ancien régime, devenu chef militaire des rebelles, jusqu’à son assassinat en juillet par une faction rivale.

Mais, au-delà du drame libyen, cette guerre et ses dizaines de milliers de victimes sont une confirmation inquiétante du renforcement du rôle de l’Otan dans la gestion des conflits internationaux, au détriment des Nations Unies. Avec l’acquiescement de l’actuel Secrétaire général, l’ONU est de plus subordonnée aux orientations militaristes des puissances occidentales. Alors que les offres de médiation de l’Union africaine et de dirigeants latino-américains ont été ignorées, la résolution 1973 du Conseil de sécurité, exigeant la « protection des civils » libyens, a servi de prétexte pour des bombardements qui ont non seulement directement tué des centaines de civils, mais aussi ouvert la voie à la plupart des exactions du CNT. Quant à la résolution précédente, la 1970 imposant un embargo sur les armes, elle a été violée par plusieurs pays arabes et occidentaux, la France reconnaissant même officiellement ses propres violations.

Face à tout cela, M. Ban Ki-moon est resté muet.

Face à ces dérives, notre Parti, qui avait déjà condamné clairement l’intervention en Libye sans pour autant professer une quelconque adhésion au régime de Kadhafi, ne peut qu’alerter l’opinion publique sur ce processus de militarisation croissante des relations internationales et sur ses conséquences désastreuses sur le développement des pays victimes de cette nouvelle forme de colonialisme. Il demande enfin des explications à notre gouvernement à propos de sa participation irresponsable et extrêmement coûteuse à cette aventure.

Le Bureau politique du PCWB

 

 

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