Les tenants et aboutissants de la crise actuelle du PCB

Publié dans Belgique

  

Document politique du 37e congrès du PCB

(version définitive approuvée par le 37e congrès du PCB/CPB le 3 octobre 2020 à Bruxelles)

 

Sommaire 

Introduction 1

I. Les questions du gauchisme au PCB

I.1 Dictature du prolétariat ou pouvoir des travailleurs

I.2 Mention ou décision

I.3 Classe contre classe ou lutte de classes

I.4 Appréciation ou louange à la Corée du Nord

I.5 Centralisme démocratique ou autocratisme centralisé

I.6 Langage du 21e siècle ou langue de bois

II. La responsabilité du gauchisme dans la crise du PCB

Résolutions finales

Introduction

Par souci d’expliquer la crise que connaît notre Parti, il nous parait important de revenir sur la tenue de son dernier et 36e Congrès, dont l’interprétation des actes par une minorité de « gauchistes » a suscité des interrogations et des divergences essentiellement idéologiques, ainsi que de nombreux malaises et divisions parmi les membres. Si le 36e congrès nous a permis de mettre un terme à une évolution réformiste, les déclarations triomphalistes de la minorité sur le « retour à nos fondamentaux » ne signifie nullement notre adhésion à un gauchisme infantilisant et le recours à  un langage fossilisé.

C’est dans ce sens que ce 37e congrès doit répondre aux questions suivantes:

I. Les questions du gauchisme au PCB

 

I.1. Dictature du prolétariat ou pouvoir des travailleurs ?

Tout d’abord le fait que la notion de la « dictature du prolétariat » a été mentionnée dans le texte du congrès ne peut en aucun cas être considéré comme la ligne politique directrice actuelle du Parti.

Rappelons que dans sa signification marxiste du 19e siècle, la dictature du prolétariat signifiait le pouvoir absolu et sans partage de la classe ouvrière (prolétariat) sur les détenteurs des moyens de production (bourgeoisie) consistant en une phase transitoire de l’évolution de la société du capitalisme vers le communisme. Au 20e siècle, l’avènement du fascisme et du nazisme combiné à la diabolisation de l’URSS a permis à la droite et ses médias de pervertir la signification marxiste de la dictature du prolétariat en interprétant le mot « dictature » comme le pouvoir d’une minorité, voire d’une seule personne sur la population, équivalant à la tyrannie. C’est dans ce contexte et dans le climat de guerre froide et d’anticommunisme virulent qu’en 1954 le 11e congrès du PCB a pris la décision de s’écarter de cette formule. Aujourd’hui, à une époque où la droite tente d’amalgamer le communisme et le fascisme les qualifiant de « populismes » ou « totalitarismes », il serait totalement  inapproprié d’utiliser le mot « dictature ».

Qu’on le veuille ou non, avec ses puissants relais médiatiques la propagande anticommuniste basée sur le concept de totalitarisme est arrivée à ce que de larges couches de la population, y compris parmi les travailleurs, assimilent la dictature du prolétariat et le communisme à la dictature tout court.

Résolution : 

Tout en reconnaissant la signification marxiste contenue dans le concept de « dictature du prolétariat » indissociable de l’histoire du mouvement ouvrier organisé, le 37e congrès considère que les mots « dictature » et « prolétariat » ont des connotations respectivement négative et obsolète au 21e siècle. En conséquence le 37e congrès considère que la notion de « pouvoir des travailleurs » est à privilégier dans les communications du PCB.

I.2. Mention ou décision ?

Une réactualisation de la dictature du prolétariat comme repère idéologique devrait s’inscrire dans une redéfinition totale de la ligne politique du Parti. Or, dans le document final du 36e congrès, la mention de dictature du prolétariat est mentionnée entre parenthèses en page 2 du préambule dans un texte de 49 pages. Selon les camarades qui l'ont fortement contestée, cette mention et la manière avec laquelle elle a été interprétée atteste du peu de sérieux de la minorité de délégués gauchistes du congrès et le fond dogmatique et sectaire de leur positionnement politique.

I.3. Classe contre classe ou lutte des classes ?

On constate également dans les discours ou écrits des protagonistes du gauchisme dur et pur qu’ils n’ont de cesse d’opposer sans discernement la « classe ouvrière » à la « bourgeoisie » en se revendiquant de l’ancien mot d’ordre « classe contre classe » recommandé en 1928 par le 6me congrès de la 3e internationale. 

Si ce concept « classe contre classe » était défendable dans une Russie, ravagée par la guerre civile des années vingt, à peine sortie du servage, il l’était beaucoup moins dans des pays industriels comme le nôtre où le mouvement ouvrier était déjà bien organisé. Rappelons que ce concept erroné considérait la sociale démocratie comme « l’ennemi de classe ». Dès 1928, Julien Lahaut était fermement opposé à cette vision sectaire car elle entretenait des divisions entre les travailleurs récupérées par l’extrême droite. Elle occultait le fait que les partis communistes sont issus de la sociale démocratie comme notre parti et ses fondateurs sont issus d’une dissidence du Parti Ouvrier Belge POB.

C’est sous l’influence de George Dimitrov, secrétaire général de la 3e Internationale, qui n’était certainement pas réformiste, qu’en 1935 le 7e congrès de l’internationale allait abandonner le mot d’ordre « classe contre classe » au profit d’une logique de front antifasciste qui allait aboutir à la création du front populaire en générant une formidable avancée sociale. Quelques années plus tard sous l’occupation, notre parti allait fonder le « Front de l’indépendance » qui fut la principale organisation de résistance au nazisme et qui regroupait des résistants issus essentiellement des secteurs populaires mais aussi d'autres segments de la population. Au PCB, cette logique de front allait triompher en 1954 au congrès de Vilvorde pour dépasser  les logiques sectaires et dogmatiques en privilégiant l’unité de toutes les forces syndicales et ouvrières. Cet important congrès, qui a réuni deux cent délégués, ne peut en aucun cas être considéré comme réformiste comme l’avance la minorité gauchiste. Personnalité émergeante de ce congrès, René Beelen, militant dès ses quatorze ans qui fut déporté par les nazis, n’était certainement pas un réformiste ou un « social traître ». Pour rappel, R. Beelen est mort en 1966 à Moscou à la tribune d’un meeting appelant à soutenir le peuple vietnamien en lutte contre l’impérialisme yankee.

L’histoire du mouvement ouvrier nous apprend que la perfidie avérée des dirigeants sociaux-démocrates n’a jamais empêché les travailleurs de s’unir dans une solidarité de classe comme l’atteste leur engagement commun dans les brigades internationales, les grandes luttes sociales ou la résistance au nazisme.  

Résolution :

Le 37e congrès considère que le mot d’ordre « classe contre classe » qui a été abandonné en 1935 par la 3e Internationale au profit de la logique de front peut contribuer à alimenter le sectarisme et à entretenir la division des travailleurs.

I.4. Soutien ou louange à la Corée du Nord ?

La 10e motion approuvée à une faible majorité de 52,9%, par le 36e congrès en sa première session du 30 juin 2018 exprime « son soutien à la Corée du Nord, salue fraternellement les efforts de ce pays pour assurer un développement technologique et industriel dans le cadre du socialisme ». Nous considérons que cette motion quelque peu dithyrambique ne reflète pas la réalité et doit être remaniée. D’autre part cette motion a été présentée unilatéralement par une minorité gauchiste sans aucune discussion préliminaire.

Résolution :

Le 37e congrès rejette fermement la diabolisation de la Corée du Nord et reconnait le droit inébranlable du peuple nord-coréen d’assurer sa défense après les années de guerre qu’il a subie de la part de l’impérialisme japonais et américain. Le congrès apprécie les efforts diplomatiques de la Corée du Nord pour apaiser les tensions dans la région en reconnaissant son aspiration légitime à la paix. Cependant, cette appréciation ne constitue en aucun cas un soutien à un régime dont la direction se transmet d’une manière népotiste et héréditaire qui s’apparente plus à une monarchie et qui s’écarte de notre vision du socialisme.

I.5. Centralisme démocratique ou autocratie centralisée ?

Cette notion léniniste sous-entend qu’après un débat démocratique les décisions prises à la majorité doivent être respectées et appliquées par tous, c’est-à-dire également par la minorité. Il s’agit d’un principe qui implique une discipline et une aptitude au travail collectif indispensable au fonctionnement démocratique et efficace de l’organisation et qui s’oppose à l’individualisme. Il faut dénoncer la minorité gauchiste qui conjugue le centralisme démocratique à tous les temps et l'interprète au gré de ses intérêts.

Cette minorité a réussi à transformer le Comité Central en un bureau des chefs qui agit comme une autocratie centralisée, ne respecte ni les statuts du parti, ni les décisions du congrès et n’a manifesté aucune écoute des inquiétudes et objections des membres de base. Ainsi, malgré le malaise grandissant au sein du parti, le Comité central a, par vote majoritaire et à deux reprises, refusé d’envisager un nouveau congrès avant 2022, forçant les fédérations à invoquer l’article II.4.2 des statuts pour convoquer le prochain 37e congrès.

I.6. Langage du 21e siècle ou langue de bois ?

La communication et l’importance de nous faire comprendre doit être au centre de nos préoccupations. Dans cette optique l’utilisation des notions de prolétaire, de prolétariat, de bourgeoisie ou de classe ouvrière doit être repensée car elles sont souvent comprises sous l’angle d’une « image d’Epinal » digne du 19e siècle. Si ces concepts ont toute leur place dans l’histoire de la pensée marxiste et du mouvement ouvrier organisé, nous considérons qu’au 21e siècle l’utilisation sans nuances de ces mots contribue à nous isoler

Les écrits et les discours gauchistes durs et purs ne sont pas crédibles parce que, d'une part,  les notions de prolétariat ou de classe ouvrière peuvent avoir une connotation ringarde, voire péjorative pour les gens. D’autre part, nous constatons que la classe ouvrière, autrefois assimilée au prolétariat, n’est plus majoritaire parmi les salariés, en Belgique comme dans de nombreux pays où les industries sont supplantées par le secteur tertiaire. Quant à la notion de bourgeoisie, elle qualifie souvent erronément aujourd’hui une catégorie de gens dont l'aisance est assimilée à une réussite sociale qui n'a plus grand chose à voir avec la notion marxiste de l’ennemi de classe capitaliste (les « affameurs du peuple ») qui détient la propriété privée des moyens de production et de communication. N'oublions pas que même s'ils ne sont pas issus de la classe ouvrière et qu'ils n'ont pas la même conscience de classe, les indépendants et faux indépendants, les « ubérisés » et les agriculteurs sont des travailleurs qui subissent également, et de manière parfois particulièrement violente, le joug du capital.

Résolution :

Le 37e congrès considère qu’une phraséologie dogmatique et obsolète déconnectée de la réalité contemporaine favorise le repli et l’isolement de la gauche radicale et ne contribuera jamais à faire progresser la réflexion des masses et la lutte des classes. Il recommande l'adoption d'une phraséologie mieux adaptée à la réalité contemporaine.

II. La responsabilité gauchiste dans la crise du PCB

L’orientation gauchiste s’est amplifiée dès la fin 2017 par l’adhésion et le recrutement de transfuges d’extrême gauche de la tendance AMADA/TPO et UCMLB.

C’est malheureusement sous cette influence que nos camarades de Charleroi ont décidé de promouvoir une liste électorale concurrente à celle du PTB aux élections fédérales et régionales. Cette option contrevenait à la résolution du congrès stipulant le caractère unitaire de la participation aux élections qui privilégiait la présentation des candidats du PCB sur une liste PCB/PTB telle que décidée majoritairement par les fédérations de Bruxelles et Liège (Actes du 36e congrès, page 27, résolution 4.5.1). 

Pour justifier leur choix, les camarades de Charleroi ont soutenu que le PTB aurait refusé toute possibilité d'alliance avec le PCB. Cette affirmation qui s’est avérée totalement inexacte n’a pas empêché la Fédération de Charleroi de subir une cinglante défaite électorale où ses 47 candidats ont recueilli 0,02% des voix (à la Chambre, soit environ 360 fois moins que le PTB-PVDA), un score qui a démoralisé les militants, ridiculisé l’ensemble du parti et dispersé 1626 voix au détriment du mouvement ouvrier. Nous condamnons sans réserve l’attitude de certains militants carolos qui n’ont pas hésité à « surcoller » les affiches du PTB, remettant ainsi en cause nos bonnes relations avec ce parti. 

Par ailleurs, en sa première session du 30 juin 2018, le congrès avait décidé à l’unanimité de convoquer une unique deuxième session consacrée à l’adoption d’un document politique.

Or, sous l’influence de la tendance gauchiste, une soi-disant « troisième session extraordinaire » (dite « Bedford ») du congrès fut convoquée le 5 janvier 2019 à Bruxelles pour essayer de légitimer la décision de la fédération de Charleroi de se présenter seule aux élections. 

Cette session, qui n’a fait l’objet d’aucun attendu, improvisée et tenue de façon illégale, a remis en cause l’ordre du jour du congrès en cours, violant ainsi  le principe souverain de son mode de fonctionnement en tant qu’autorité suprême du parti (Art II.4.1 des statuts).

Une présence insuffisante de délégués au congrès, ainsi que le découragement suscité par un fonctionnement incohérent et antidémocratique et le non-respect de nos statuts (art.II.4.3) dans les procédures de son élection, allaient permettre à la minorité gauchiste d’être surreprésentée dans le nouveau comité central élu par le congrès le 26 avril 2019. 

Depuis son élection, le bilan destructeur du comité central est particulièrement édifiant. 

Au-delà de son soutien à la position scissionniste de la fédération de Charleroi de se présenter seule aux élections, le nouveau CC a entamé une véritable répression sur la rédaction de notre presse. Après la décision de cette fédération de ne plus diffuser le Drapeau rouge, le CC a décidé d’exclure son rédacteur en chef sans l’approbation préalable de la Fédération de Bruxelles (en violation de l’art. II.7.4 des statuts) qui l’avait récemment élu secrétaire politique, et sans tenir compte de l’opposition de la Fédération liégeoise. Cette décision était assortie de la dissociation du parti et de sa presse, ce qui remet totalement en cause le titre III des statuts et a un caractère mortifère pour le PCB à la veille de son centenaire.

Le CC a avalisé la réélection de J. Hannotte au poste de secrétaire politique de la Fédération liégeoise par une assemblée parallèle dont la légalité avait été unanimement contestée par l’assemblée générale du 8 février dernier. La convocation de cette assemblée parallèle signée par J. Hannotte mentionnait l’existence de deux partis.

Il faut également constater la propension du CC à semer la confusion au travers des réseaux sociaux, de blogs et de sites web, de réunions ou de publications parallèles, comme le récent « Drapeau Rouge – Rode Vaan ». C’est ainsi que des informations calomnieuses sur le soi-disant antisémitisme du rédacteur en chef du Drapeau Rouge et sa négation du judéocide ont été transmises à la communauté internationale des partis communistes (Solid net). Les décisions fantaisistes du Comité central de créer une fédération du Brabant dans le but de neutraliser la fédération de Bruxelles et son secrétaire politique, comme l’intention manifeste de s’approprier la trésorerie du parti, sont autant d’arguments dont ce 37e congrès doit tenir compte pour se doter d’un comité central digne de ce nom et assurer la pérennité du PCB.

 

Résolutions finales

Le 37e congrès du PCB

·    constate que le comité central dominé par le groupe fractionniste est devenu une officine sectaire qui a donné la mesure de son incapacité à assurer la direction du PCB et à respecter ses statuts en affichant un mépris de ses militants ;

·  relève qu’il y a suffisamment d’éléments qui prouvent que la volonté fractionniste de créer un autre parti est avérée et menacel’existence même du PCB à l’aube de son centième anniversaire ;

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